Un modeste. Notre ami Jacques était un modeste. Pour son premier dessin, il a voulu imiter Dieu.
Ses personnages s’appelaient « Adam et Eve » et, entre parenthèses, le petit « Caïn ». Puis il y a eu les vieilles dames, les marins, le clochard, le chat, de Gaulle et tous les personnages politiques. Un monde. Une philosophie aussi : pour le plus humble créateur, chaque matin est le premier matin du monde. Tout est à réinventer. Et le monde est toujours ce que nous voulons qu’il soit, si nous faisons œuvre de création : n’est-ce pas, amis dessinateurs ? C’est l’échange fameux entre le pessimiste et l’optimiste. « Pour l’optimiste, nous vivons dans le meilleur des mondes possibles. Mais pour le pessimiste aussi ». Avantage au pessimiste. « Oui, je suis optimiste, et alors ? Je ne me trompe pas plus souvent qu’un pessimiste, et je vis mieux ». Victoire de l’optimiste. De l’humour. De Jacques.
Un modeste. Il a bien caché son jeu. L’image qu’il nous a donnée de lui se résume en quelques traits de caricaturiste : une pipe (cette pipe sur laquelle, dans le dessin de Jean Duverdier, Marianne pleure Jacques Faizant comme elle pleurait sur le chêne gaullien), un œil doux et acéré, un crayon, une bicyclette. Une image d’épicurien. Une image derrière laquelle se protégeait un travailleur manuel, vivant dans l’angoisse, transpirant sur sa planche, engageant tout de lui-même : sa main, son esprit, son cœur. Tous les jours. Jusqu’à 87 ans : il dessinait encore quand Dieu, par un clin d’œil, l’a rappelé à Lui un mois avant la retraite que Jacques avait fixée au 1er mars prochain. Dans cette épreuve quotidienne du sourire à inventer en réponse à une actualité imprévisible, chaque jour, pendant cinquante ans, Jacques Faizant s’amusait-il toujours ? Non, mais toujours il nous amusait.
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