Les Français n’ont jamais eu d’estime pour l’institution parlementaire. Les vociférations des questions d’actualité et les travées vides des séances législatives leur paraissent, au mieux, un mal nécessaire, une concession archaïque au rite démocratique. Le seul pouvoir, celui qui fascine, celui autour duquel s’oriente tout le débat politique, l’enjeu des enjeux, c’est le pouvoir exécutif, incarné, au sommet, par le monarque républicain de l’Elysée et, à la base, par la figure tutélaire du maire. Les assemblées paraissent inutilement querelleuses et bavardes. Elles représentent la « classe politique », pas le citoyen. Pour les Français, le vrai débat politique, c’est celui qui oppose périodiquement le Pouvoir à la rue devant les caméras de télévision. L’avenir n’appartiendrait-il pas à la démocratie directe, à travers l’usage du référendum national ou local, les sondages quasi-quotidiens et, désormais, les formidables capacités d’échanges d’idées sur Internet et la profusion des blogs ?
Je ne le crois pas. L’expérience montre que les techniques de la démocratie directe, tout comme l’aspiration à une « démocratie participative », ne constituent un vrai progrès qu’en complément de la démocratie représentative. Les sociétés complexes d’aujourd’hui ne peuvent plus prétendre être gouvernées par un monarque omniscient qui aurait le monopole d’inspiration du Saint Esprit ou des meilleurs experts. Quant à la démocratie participative, elle est trop facilement confisquée par des lobbies d’intérêts particuliers, des associations faussement apolitiques, et des professionnels de la manipulation politique, rompus à l’art de dissimuler leur absence de représentativité derrière la noblesse apparente de la cause : l’usage d’Internet par les anti-mondialistes lors de la campagne référendaire montre que la Toile se prête admirablement au savoir-faire de la bonne vieille agit-prop de l’ultra-gauche, comme c’est le cas ailleurs pour le sectarisme religieux.
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