Le travail est la seule valeur reconnue au Parlement européen – Quatre élus sur le départ témoignent, Toute l’Europe

Entretien avec Toute l’Europe: Le travail est la seule valeur reconnue au Parlement européen – Quatre élus sur le départ témoignent

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Le Parlement dans lequel je suis entré en 1989 n’a rien à voir avec celui que je quitte et qui aujourd’hui mérite le nom de Parlement”, abonde Alain Lamassoure, mémoire intarissable de la construction européenne de ces trente dernières années. De simple “forum de débats”, l’institution strasbourgeoise est devenue “une véritable organisation démocratique”, explique-t-il, regrettant toutefois que ses pouvoirs en matière budgétaire demeurent à ce jour limités.
Mais, logiquement, aucun d’entre eux ne peut rivaliser avec l’éclectisme d’Alain Lamassoure, fort de vingt-cinq années au Parlement. “Dans mon premier mandat, j’ai été directement à l’origine du fonds LIFE qui finance les actions en faveur de l’environnement”, commence-t-il au moment d’énumérer les grandes lignes de son action. S’ensuit un inventaire quelque peu vertigineux allant de la participation au projet constitutionnel européen (rejeté en 2005) à Galileo – le “GPS européen qui aura mis 15 années à se déployer” – en passant par la fondation de l’Institut européen de la paix et le combat pour l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés (discutée depuis des années).
Des sujets “variés” et qui “montrent qu’un député européen ordinaire a une capacité à faire avancer les sujets, d’inventer des solutions, incomparablement plus grande qu’un député national”, voire même que la plupart “des ministres du gouvernement français”, soutient-il crânement. Et des sujets qui illustrent au moins une limite à l’action des parlementaires européens : la relation souvent difficile avec les Etats membres, colégislateurs à égalité avec le Parlement européen.

Jeux tacticiens
Ma “frustration”, c’est “l’égoïsme des Etats”, déclare sans ambages Eva Joly. Franco-norvégienne, elle n’hésite d’ailleurs pas à égratigner les pays nordiques, à la réputation pourtant si excellente, qui “disent non à tout” et représentent sa “grande déception”. Ces derniers n’ont, à l’en croire, “aucune envie de renforcer les mécanismes collectifs”. A cela peut aussi s’ajouter la “jalousie”, pour reprendre l’expression d’Alain Lamassoure, des responsables politiques nationaux, qui tendent à sous-estimer le travail du Parlement européen ou à s’arroger ses victoires.
Les quatre eurodéputés se retrouvent enfin autour du manque d’audience de leur institution. “C’est mon grand échec”, va jusqu’à déclarer Alain Lamassoure. Pour lui, ce “degré d’ignorance” des médias ne peut s’expliquer que par leur “paresse”. En France du moins, il y a une “absence de connaissance intime des mécanismes”, confirme Eva Joly : “personne ne s’intéresse vraiment à l’Europe”. “On fait de l’Europe sans le savoir”, tempère Jérôme Lavrilleux, moins dépité. En atteste, selon lui, le fait que Marine Le Pen ne propose plus de sortir de l’Europe et de l’euro. Dès lors, la croyance selon laquelle les Français se désintéressent des affaires européennes “s’autoentretient”.
“On renversera la vapeur le jour où l’Europe politique sera incarnée par une personnalité”, scande Alain Lamassoure en guise de conseil à ses successeurs. “Le plus beau c’est qu’il suffit de faire savoir à tout le monde ce que tout le monde ignore : le président de la Commission européenne est élu par le Parlement européen et donc par les citoyens”. Et ensuite que cette personne élue vienne régulièrement dans les Etats membres pour “expliquer la politique européenne”. Le jour où nous aurons ça, “ça va décoiffer”, jubile-t-il par avance.