“Ma vie d’eurodéputé” – Interview pour Le Parisien
Article de Henri Vernet dans Le Parisien le 26 avril : http://www.leparisien.fr/elections/europeennes/ma-vie-d-eurodepute-alain-lamassoure-le-sacrifie-de-l-europe-26-04-2019-8060634.php
“Quand il entama son premier mandat de député européen, en 1989, le mur de Berlin n’était pas encore tombé, aime à rappeler Alain Lamassoure. À 75 ans, ce pilier du Parlement européen, rompu aux va-et-vient, en Thalys ou en avion, entre Strasbourg, Bruxelles et Paris, qui eut droit à une standing-ovation de ses collègues saluant son ultime discours dans l’hémicycle, a décidé de raccrocher les gants, après cinq mandats. Hormis une parenthèse parisienne entre 1993 et 1997, où il fut deux fois ministre et porte-parole du gouvernement Juppé, l’homme a voué sa carrière à l’Europe.
« Extraordinaire fécondité » du parlement européen
« Je suis une exception dans le paysage politique français, pour avoir sacrifié un mandat de maire (NDLR : à Anglet, Pyrénées-Atlantiques) et une carrière nationale », sourit l’élu républicain (LR), centriste d’origine qui aura vécu les élargissements successifs de l’UE (avant le rétrécissement pour cause de Brexit) de 12 à 28 pays, transformant l’Europarlement en un « Gulliver de 751 députés, issus de 28 pays et parlant 24 langues différentes, composé de 8 groupes rassemblant des dizaines de partis » !
Pourtant, ce mastodonte est bien plus efficace que son pendant outre-Atlantique, le Congrès américain, juge Lamassoure, avec son côté d’Artagnan basque. « Lui, c’est un Gulliver paralysé : avec ses 450 membres, deux partis seulement, un seul pays et une seule langue, combien de grandes lois a-t-il voté en dix ans, depuis Obama ? Trois, Obamacare en tête ».
Et d’énumérer par contraste « l’extraordinaire fécondité de la dernière législature » 2014-2019 : « La réglementation sur la protection des données sensibles — d’ailleurs copiée par l’Etat de Californie —, la protection des droits d’auteur dans le domaine numérique, la réforme du statut des travailleurs détachés et, en cours, celle des chauffeurs routiers — où les élus français sont à la manœuvre —, les bases d’une Europe de la défense, la transformation du modeste Frontex en un grand corps de gardes frontières européens, l’embryon de FBI européen, etc. »
Succès d’autant plus remarquables, vante ce fédéraliste de cœur, qu’ils sont intervenus dans « une période de crise profonde de l’Europe, au niveau des Etats et gouvernements, entre le Brexit et les affrontements cocardiers sur le dossier des migrants ».
Un sacrifice, le mandat européen ? Oui et non. « Non, parce qu’un eurodéputé qui fait correctement son travail a davantage d’influence qu’un député à l’Assemblée nationale ou qu’un ministre de rang moyen, assure celui qui a occupé toutes ces fonctions. C’est lié au fonctionnement du Parlement, où on n’a pas la droite contre la gauche, mais des majorités qu’il faut composer, en allant chercher des alliés à gauche, au centre et chez les Verts, pour chaque projet. »
Dans l’anonymat de Bruxelles et Strasbourg
Grâce à cette méthode, il se flatte d’avoir œuvré à la création, dès son premier mandat, d’un Fonds communautaire pour financer les initiatives en faveur de l’environnement. Et il revendique la (co) paternité de l’Institut européen pour la paix, via lequel l’UE envoie des task forces civiles d’ONG, policiers, logisticiens, etc. pour pacifier et rebâtir des pays en guerre, de la Libye au Mali en passant par la Syrie.
« Si j’avais été un ministre des Affaires étrangères, on m’aurait dressé une statue pour cela, plaisante-t-il à moitié. Tandis qu’au Parlement européen, tel un maçon anonyme construisant Notre-Dame, vous faites vœu de chasteté médiatique totale : jamais une grande chaîne française n’invite un élu européen pour parler de son boulot ! » Grandeur et frustrations du parlementaire européen…”