Michèle Alliot-Marie se plaît à le répéter, non sans raison : après les graves crises successives connues par l’Union européenne en 2005, la Défense est, sans doute, l’un des domaines dans lequel une relance du projet politique européen est possible.
Parmi tous les paradoxes qui ont caractérisé la construction européenne depuis son origine, celui de la Défense est un des plus étonnants. Dans un monde dangereux, rien n’unit davantage que l’existence d’un ennemi commun. En pleine guerre froide, l’Europe occidentale voyait se dresser contre elle le pire ennemi imaginable : l’Union soviétique, qui faisait peser sur nous une menace extérieure et intérieure, et qui braquait des armes d’apocalypse sur nos populations civiles. C’est donc tout naturellement qu’avant même d’avoir mis en œuvre le tout premier accord européen sur la Communauté Charbon-Acier, Jean Monnet a proposé la création d’une Communauté européenne de Défense. Le 30 août 1954, le Parlement français a pourtant rejeté ce traité, moins par crainte d’une intégration européenne trop forte, que par persistance d’une immense méfiance envers l’Allemagne : moins de dix ans s’étaient écoulés depuis la Libération.
Le rejet de la C.E.D. a réorienté pour un demi-siècle la construction européenne vers des objectifs civils – le marché, la monnaie, la libre circulation des personnes, l’environnement etc. -, la défense du continent étant confiée à une alliance plus vaste, l’OTAN, fortement dominée par le « grand frère » américain. De manière surprenante, ce partage des tâches a survécu à la guerre froide : quand l’URSS s’est auto-dissoute, entraînant dans le néant le Pacte de Varsovie, non seulement l’OTAN est restée en vie, mais elle s’est étendue à l’Europe de l’Est. Et les Américains, soutenus par les Britanniques et la majeure partie de nos partenaires, n’ont cessé de défendre vigoureusement le maintien du monopole de l’Alliance atlantique dans la défense du continent contre les nouvelles menaces de l’après-guerre froide : en contradiction absolue avec le principe de subsidiarité, en matière militaire, l’Union européenne était ainsi autorisée à agir sur les sujets secondaires (envoi de casques bleus dans des pays lointains), mais elle était considérée comme illégitime sur la question essentielle de la défense du continent contre des menaces communes !
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Michèle Alliot-Marie likes to repeat, not without reason, that following the run of serious crises that shook the European Union in 2005, defence is without doubt one of the areas in which there is a chance of relaunching the European political project.
Of all the paradoxes that have marked the process of building Europe since its origins, that of defence is one of the most astonishing. In a dangerous world, nothing unites people more than the existence of a common enemy. At the height of the cold war, Western Europe found itself up against the worst imaginable enemy: the Soviet Union, which threatened us from without and within and was aiming apocalyptic weapons at our civilian populations. The fact that Jean Monnet had proposed the creation of a European Defence Community even before the very first European agreement on the Coal and Steel Community was implemented, therefore comes as no surprise. Yet on 30 August 1954, the French Parliament rejected that treaty, less for fear of too much European integration than because it still felt a huge distrust of Germany: less than ten years had passed since the Liberation.
For half a century, the rejection of the EDC meant that European integration was redirected towards civilian objectives – the market, currency, the free movement of persons, the environment, etc. – and the defence of the continent was entrusted to a larger alliance, NATO, heavily dominated by the American ‘big brother’. Surprisingly enough, that division of tasks survived the cold war. When the USSR fell apart, thereby consigning the Warsaw Pact to oblivion, NATO not only survived but took in Eastern Europe. The Americans, backed by the UK and most of our partners, continued vigorously seeking to maintain the Atlantic Alliance’s monopoly to defend the continent against the new threats of the post-cold war era. In the military area, in total contradiction with the subsidiarity principle, the European Union could therefore take action on secondary issues (sending the blue berets to faraway countries), but had no legal rights over the vital issue of defending Europe against common threats!
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La coopération transfrontalière est une longue marche. C’est pourquoi il faut saluer la grande première qu’a constituée le sommet franco-espagnol de Barcelone le 17 octobre.
Voilà des années que, par-dessus les Pyrénées, les collectivités territoriales ont engagé des relations multiples, à tous les niveaux, sur des sujets variés : nos trois régions frontalières, la plupart des départements, certaines communes, la Communauté d’agglomération de Bayonne-Anglet-Biarritz ont engagé des partenariats avec leurs homologues tras los montes. En 1995, le traité de Bayonne a donné une impulsion nouvelle à ses efforts en introduisant une petite révolution juridique dans notre droit national très jacobin : les collectivités locales françaises sont autorisées à participer à des regroupements de collectivités de droit espagnol, ce qui a permis à Hendaye de s’unir avec Irun et Fontarrabie dans le consorcio du Txingudi. Plus récemment, ce même statut de consorcio a été choisi par la Communauté de travail des Pyrénées, qui rassemble les entités régionales.
Toutefois, ces progrès sont restés très lents et les (encore trop rares) élus locaux qui se sont résolument engagés dans ce chantier ont eu trop souvent l’impression de labourer la mer. Non pas que la volonté politique fasse défaut. Mais nous ne parvenons pas à nous organiser efficacement pour faire avancer des projets communs dans des contextes politiques, juridiques, administratifs et culturels fondamentalement différents. C’est un problème d’organisation ou, comme on dit aujourd’hui, de « gouvernance », qui me rappelle cette missive relevée, il y a quelques années, dans le « Courrier du cœur » d’un grand journal féminin : « Je l’aime. Il m’aime. Nos parents sont d’accord. Que faire ? »
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Cross-border cooperation is a long haul. That is why the Franco-Spanish Barcelona summit of 17 October is to be welcomed as a major step forward.
For years now, regional and local authorities across the Pyrenees have been forging many kinds of relations, at all levels and in various areas: our three border regions, most of the French departments, some local administrations and the Bayonne-Anglet-Biarritz Urban Community have formed partnerships with their trans-Pyrenean counterparts. In 1995, the Bayonne Treaty gave new impetus to these efforts by introducing a minor legal revolution into our highly Jacobin national legislation: French local authorities can now take part in groupings of local authorities governed by Spanish law; this has allowed Hendaye to join Irún and Hondarribia in the ‘consorcio’ of Txingudi. More recently, the Working Community of the Pyrenees, whose members are regional bodies, has chosen that same status of ‘consorcio’.
Yet progress remains very slow and the local councillors (of whom there are still too few) who resolutely embarked on this road all too often felt they were fighting a lost cause. It was not for lack of political will. What we lack is the ability to organise ourselves effectively to promote common projects in fundamentally different political, legal, administrative and cultural contexts. The problem is one of organisation or, as we now call it, of ‘governance’. That reminds me of the letter that appeared a few years ago in the agony column of a major French women’s journal: ‘I love him. He loves me. Our parents agree. What should I do?’
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