Une page se tourne. Après une vingtaine d’années de transition, un nouvel échiquier international est en train de se mettre en place. Tout comme, en 1991, la première guerre du Golfe avait marqué l’apparition d’un monde nouveau, libéré du communisme soviétique et dominé par une seule super-puissance, le bref conflit russo-géorgien jette une lumière crue sur un paysage inédit que, jusqu’alors, l’on distinguait mal.
C’est fait : le monde est multipolaire. Dans les livres d’histoire, les images des J.O. de Pékin illustreront l’extraordinaire promotion de l’Empire du Milieu. Mais l’Inde et le Brésil se donnent aussi les moyens d’une politique mondiale, et pas seulement à l’OMC. Pour sa part, la Russie renaît en réintroduisant dans la politique internationale des méthodes que l’on croyait disparues avec l’Union soviétique. Symétriquement, en dépit d’un formidable accroissement de leur budget, les Etats-Unis font péniblement la démonstration des limites de la puissance militaire, et payent l’invraisemblable contresens qui les a conduits à transformer la lutte contre les « fous d’Allah » en une « guerre des civilisations ».
La guerre, justement, la vraie, est de retour. Certes, le monde n’a jamais été en paix depuis la fin de la guerre froide. Il y a eu les nombreux conflits successifs dans les Balkans et le Moyen-Orient, mais aussi des affrontements moins médiatisés, et bien plus meurtriers : à elle seule, la guerre civile du Congo, attisée par ses voisins, a tué plus de cinq millions de personnes au début des années 2000. Mais nous vivions dans un bulle irénique, profondément convaincus que le fait d’avoir vaincu le virus belliqueux chez les fauteurs des deux guerres mondiales suffisait à nous assurer la paix perpétuelle. La guerre ? Une activité archaïque, démodée, une survivance limitée à de malheureux peuples en développement. On en venait à bout par des opérations humanitaires et des expéditions de « casques bleus » à peine plus meurtrières que la lutte contre l’incendie. Mais, sept ans après la destruction des Twin Towers, la menace d’Al Qaeda continue de peser sur nos capitales. En Afghanistan, Anglais, Canadiens, et maintenant Français sont tombés par dizaines sans pouvoir empêcher les talibans de reprendre une grande partie du terrain perdu. Le Président iranien ne se « contente » plus de menacer Israël de la foudre nucléaire: il développe des missiles qui feront de nos villes une cible possible et de notre ciel un trajet potentiel pour frapper les Etats-Unis, plaçant ainsi notre continent en première ligne de la défense anti-nucléaire américaine. Les Russes répliquent à cette défense en gelant les accords de désarmement qui concernent le théâtre européen. Enfin, événement stupéfiant et terrible symbole, voilà maintenant les Russes et les Georgiens qui emploient leurs contingents de « maintien de la paix » pour se faire une guerre ouverte !
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La prospective n’est plus à la mode. Pourtant, en la matière, la France avait été pionnière, avec le Commissariat général du Plan, créé par Jean Monnet. Mais depuis une vingtaine d’années, l’organe de vigie a perdu lentement son rôle, puis son influence, puis son nom et finalement sa direction. C’est une erreur. La montée des incertitudes, techniques, politiques, économiques, environnementales, doit, au contraire, nous inciter à voir plus loin pour agir plus efficacement. C’est ce que nous avions fait au niveau local avec la démarche « Pays basque 2010 », lancée au début des années 90. C’est ce que nous avons renouvelé avec « Pays basque 2020 ». Non par un travail d’experts en chambre, mais par la mobilisation de plusieurs centaines d’acteurs, économiques, sociaux, culturels, politiques, y compris, pour la première fois, beaucoup de ces jeunes qui seront le Pays basque de demain.
Qu’avons-nous voulu faire ?
Non pas un exercice de planification. L’illusion selon laquelle des hommes politiques seraient capables de se substituer aux agents économiques pour orienter les investissements privés est bien dissipée. La période couverte par « Pays basque 2010 » a été marquée par des novations imprévisibles : le développement foudroyant d’Internet et des nouvelles technologies de communication ; les retombées économiques inimaginables de la mode vestimentaire née des sports de glisse, le « surfwear » ; le dynamisme de nos voisins d’Euskadi, symbolisé par le musée Guggenheim de Bilbao et la spectaculaire reconversion industrielle ; plus récemment, la nouvelle révolution industrielle à laquelle nous conduit la lutte contre l’effet de serre, et le bouleversement de l’économie agricole avec l’apparition des OGM, le développement des biocarburants et l’explosion de la demande des pays émergents.
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