“L’Europe, modèle à part dans l’ordre mondial contemporain” (Tribune pour Touteleurope)

Article paru le 22 mars 2018 sur le site Touteleurope.eu à l’occasion de mon intervention au Printemps de l’Economie 2018.

Source : https://www.touteleurope.eu/actualite/l-europe-modele-a-part-dans-l-ordre-mondial-contemporain.html

 

“Il y a soixante-dix ans, le projet européen a pris de court nos langages nationaux. Comment décrire l’inédit ? Seule la langue latine a alors su le qualifier. Sui generis : cette nouvelle union des nations européennes est née “de son propre genre”. Sa singularité prévint tout regroupement entre la communauté européenne naissante et les autres formes d’organisation politique de la planète.

Mais l’Europe ne tient pas cette singularité de sa seule forme constitutionnelle. Le miracle européen ne tient pas du domaine juridique. Il tient de l’exceptionnelle concorde bâtie sur des fondements économiques, entre les peuples au sortir de l’une des plus dramatiques guerres civiles que le continent ait connues.

A l’heure où vous lisez ces lignes, deux Français sur trois considèrent selon les Eurobaromètres que le peuple allemand est le plus proche du leur. Deux Français sur trois. Inenvisageable à l’époque de nos grands-parents, c’est aujourd’hui un état de fait. Stupéfaction dans l’au-delà !

C’est avant tout cela, le miracle de l’Europe. La réconciliation, durable. Au point que les échanges entre nations européennes sont aujourd’hui impossibles à freiner sur un coup de tête. Il est devenu impensable de ne plus “faire Europe”.

Les dynamiques de la mondialisation sont telles que l’exemple européen a vocation à se diffuser dans d’autres régions du globe : Moyen-Orient, Asie ou Amérique latine ne sauraient prendre part à la grande valse des échanges internationaux qu’en participant de fait à une mondialisation apaisée. Car la mondialisation des échanges, à l’image de la pacification européenne, est antinomique avec tout conflit armé puisqu’elle induit mondialisation des identités. Délivrés de la guerre, nous devenons librement pluriels.   Et se bâtissent des partenariats de toutes sortes : commerciaux, technologiques, scientifiques, sociaux… qui jamais n’auraient vu le jour sans la paix.

Dans cette mondialisation, les Européens devront apprendre à consolider leur unité pour peser durablement sur les enjeux planétaires. En cela, l’initiative du Président Macron est louable, car son intuition est juste : les consultations citoyennes sur l’Europe prévues au cours de l’année 2018 seront l’occasion dans nombre de pays européens de renforcer la cohésion de tous au sein de l’Union.

Car les enjeux européens auxquels cette Union est amenée à se confronter sont en réalité les enjeux de la mondialisation. Coordination fiscale, lutte contre le changement climatique, solidarité humaine envers les milliers de victimes de conflits armés et sécurité de nos concitoyens face aux menaces post-nationales sont autant de défis que l’Europe comme le monde ont aujourd’hui à relever.

Première pierre de la construction européenne, la coopération dans le domaine économique continue toujours à jouer un rôle structurant pour l’Union, non seulement en tant que moteur interne, mais désormais comme moyen de se définir et de trouver sa place dans le contexte plus vaste de cette mondialisation.

Ce rôle double, nous l’observons à l’œuvre dans nombre de projets dont nous discutons en ce moment même au sein du Parlement européen. En matière fiscale par exemple : autant l’harmonisation de la fiscalité des entreprises et la fiscalisation des géants du numérique est un pas de plus vers la convergence et une brique supplémentaire de la maison Europe, autant est-elle la manifestation de ce que l’Europe est devenue une figure de proue pour penser les règles du jeu de l’économie globalisée de demain, en devenant la première institution internationale à proposer un modèle d’imposition juste et durable de l’économie du numérique.

Le constat tient également en matière commerciale, où l’Europe participe à la structuration de la mondialisation en explorant, proposant, négociant des accords interrégionaux toujours plus audacieux, tout en y défendant ardemment les normes techniques, sanitaires, environnementales européennes.

Autrefois prétexte de sa construction, la coopération économique est ainsi devenue pour l’Union un moyen de se coordonner pour promouvoir, projeter sa vision de la mondialisation, et de pleinement exprimer sa voix : celle d’un modèle à part dans l’ordre mondial contemporain.”