Italie : la faute à l’Europe ?
Les dernières élections italiennes ont abouti à un résultat chaotique. Deux partis anti-système, la Ligue à l’extrême droite et le Mouvement 5 étoiles, un parti exo-atmosphérique fondé par un clown professionnel, ont raflé la moitié des voix, le pays est ingouvernable. Et le lendemain, tous les médias français de titrer : « C’est la faute à l’Europe ! ».
C’est vrai. L’absence de solidarité de la part de beaucoup de leurs partenaires face à l’exode migratoire a été douloureusement ressentie par les italiens. Mais ce n’est pas Bruxelles ou notre Parlement européen qui doit ici être mis en cause. C’est l’égoïsme des pays voisins, qui ont refusé d’appliquer les décisions européennes. Sans oublier la France, qui a longtemps fait semblant de regarder ailleurs. Nous avons laissé le Ministre italien de l’Intérieur négocier tout seul avec les tribus libyennes et les réseaux de trafiquants des accords qui nous couvrent tous de honte.
Mais le mal-être italien a des causes bien plus anciennes, plus profondes et plus nationales. Il a un nom : le « malgoverno », le mal-gouvernement. Depuis 1959, la France a eu 8 Présidents de la République et l’Italie 50 gouvernements. Malgré des dizaines de milliards d’euros dépensés par Rome et par l’Union européenne au profit du Mezzogiorno, le fossé n’a cessé de se creuser entre un nord moderne, industrialisé, compétitif, et un sud gangréné par les mafias, où le tiers des jeunes reste sans emplois. Le revenu moyen italien est au niveau de ce qu’il était il y a vingt ans : deux décennies ont été perdues.
Si Naples est malade, la cause n’est pas à Bruxelles, ni le remède. Il est à Rome. Tout comme le malaise catalan trouvera sa solution entre Madrid et Barcelone, mais pas de ce côté des Pyrénées. Au lendemain de l’unité italienne, l’un de ses auteurs proclama : « Nous avons fait l’Italie. Il nous faut maintenant faire des italiens ». Hélas, un siècle et demi plus tard, c’est l’Italie qui reste toujours à inventer. Quand elle n’est pas ingouvernable, elle reste ingouvernée.
L’Europe que nous bâtissons est une famille de nations. De nations adultes. C’est à chacune d’elle, à chacun de nous, de sortir de l’âge insouciant de l’adolescence en cessant de remettre à demain la prise en main de notre destin personnel et familial. C’est la leçon que chacun de nous doit tirer, chez lui, de la mésaventure italienne.