Interview dans Les Echos : « Il faut mesurer la présence digitale par pays »

Alain Lamassoure (PPE, droite) est co-rapporteur au Parlement européen du projet de création d’une assiette consolidée d’impôt sur les sociétés. Dans un rapport finalisé cet été avec le Néerlandais Paul Tang (S&D, socialiste), il avance des recommandations pour combler les vides juridiques dont profitent les géants du Net.

Comment empêcher les géants du numérique d’échapper à l’impôt ?

Je partage l’analyse de la présidence estonienne, dont je salue le volontarisme. Il faut une solution structurelle et de long terme. Elle a raison : si on prend le problème par le petit bout de la lorgnette, on va se retrouver avec une énième « Google Tax ». Mais cela ne marche pas ! Tous les pays qui l’ont envisagée, comme la France, l’Allemagne ou le Royaume-Uni ont échoué ou fini par renoncer. Il ne faut pas se lancer dans de nouveaux « bricolages », mais faire entrer les spécificités de l’économie numérique dans le cadre existant. Cela passe par le développement de la notion de « présence digitale » d’une entreprise dans un pays.

Comment établir et mesurer cette présence digitale ?

L’objectif est de faire entrer dans les bases imposables les profits générés par l’économie digitale. Je propose d’ajouter aux trois critères classiques étudiés pour définir la présence d’une entreprise dans un pays – ses actifs, son personnel et ses ventes – un quatrième critère, celui du volume des données personnelles collectées. En France, Facebook, par exemple, paierait alors des impôts en proportion du nombre de personnes qui y sont inscrites, grâce aux données personnelles desquelles l’entreprise tire des profits.

Un accord entre Etats est-il possible ?

Il y a un vrai « momentum » à exploiter. La volonté est là au Parlement, à la Commission et dans nombre d’Etats. L’engagement de l’Estonie, pays à la pointe et très impliqué dans le numérique, est un signal fort. Le projet d’assiette consolidée d’impôt sur les sociétés offre un cadre pour avancer concrètement. Il ne faut pas laisser passer le train. Attention toutefois, les solutions retenues ne doivent pas apparaître comme agressives envers les Etats-Unis. Ce n’est pas l’objectif. Il faut voir à long terme. Dans dix ou vingt ans, il y aura dans le numérique autant de géants européens qu’américains.
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