Pour des élus européens choisis par les électeurs

Le Parlement européen sera renouvelé dans dix-huit mois. C’est demain. Il n’est pas trop tôt pour décider de la manière dont les Français éliront leurs députés de Strasbourg au printemps 2019.

Or, l’enjeu est majeur. Chacun connaît son député national. Nous sommes 74 eurodéputés français. Qui nous connaît ? Les seuls eurodéputés connus sont celles et ceux qui se sont fait connaître dans la politique nationale, et qui, généralement, ne rêvent que d’y revenir. Les eurodéputés actuels ont été élus dans d’immenses circonscriptions interrégionales improbables, à partir de listes bloquées dont la composition et la hiérarchie ont été faites par chaque parti politique. Des circonscriptions trop grandes pour intéresser la presse régionale, mais trop petites pour attirer l’attention des médias nationaux. De toute façon, les eurodéputés ainsi désignés n’ont pas de comptes à rendre à leurs électeurs, mais au chef de leur parti qui les a mis en bonne place sur la liste. C’est un détournement de démocratie.

Le Président Macron est un Européen actif et ardent. Je m’en réjouis. Mais sur le mode d’élection du Parlement européen, il a fait sienne la pire des idées de réforme. Il s’agirait d’élire une partie des députés de Strasbourg à partir de listes paneuropéennes. L’idée a été lancée il y a quarante ans par les premiers fédéralistes. A l’époque, l’Assemblée de Strasbourg n’avait pas de pouvoir législatif, elle était un forum de débats : pourquoi pas ? Mais aujourd’hui, Strasbourg est un vrai Parlement. C’est ici que se décident les lois qui s’appliqueront aux 500 millions de citoyens européens, le statut des travailleurs détachés, la protection des données personnelles, la voiture électrique, la politique agricole commune. Or, les citoyens se plaignent que l’Europe n’ait pas de visage. Elle leur paraît lointaine, hors de leur portée. Les éleveurs de moutons de la montagne basque, les pêcheurs bretons, les PME de la Vendée, les banlieusards de la petite couronne, les ingénieurs aéronautiques de Toulouse, les camionneurs victimes de la concurrence polonaise déloyale, se plaignent déjà de l’éloignement de leurs élus européens. Comment seraient-ils enthousiasmés à l’idée d’être représentés plutôt par une liste multinationale, dont la quasi-totalité des membres ne connaîtraient rien de leur région, de leurs problèmes, ni même de leur langue ? Et j’ajoute : qui désignerait les membres de cette liste, sinon les dirigeants inconnus de partis politiques européens réunis à Bruxelles derrière des portes closes ? On passerait du détournement de la démocratie à sa confiscation.

Je propose une réforme exactement contraire. Rapprochons les élus des citoyens. Calquons les circonscriptions européennes sur les 13 nouvelles régions. Cela donnerait des circonscriptions qui éliraient, en moyenne, 6 eurodéputés. Imposons aux partis politiques de présenter leur liste de 6 candidats par ordre alphabétique. Et permettons aux électeurs de faire leur choix, en établissant eux-mêmes l’ordre des candidats sur une liste, voire en constituant leur propre bulletin à partir de noms figurant sur des listes différentes. Ainsi, ce sont les citoyens qui éliraient leurs députés, et c’est aux citoyens que ceux-ci auraient à rendre compte. Et si l’on veut donner un esprit plus européen à l’élection, faisons un plein usage d’une possibilité offerte par les traités, que nous avons complètement oubliée : ouvrir nos listes régionales à des citoyens européens, Espagnols, Allemands, Portugais, vivant chez nous, tout près de nous, comme nous, partageant nos difficultés et nos espoirs.

La représentation proportionnelle pure, c’est le pouvoir donné aux partis. Le scrutin majoritaire ou, à défaut, le vote préférentiel, c’est le pouvoir donné aux citoyens. Les citoyens décident du pouvoir local et du pouvoir national. Donnons-leur enfin le pouvoir européen.

Ce seront les premières élections auxquelles seront convoqués les électeurs français après les élections nationales majeures de cette année. La tentation sera forte de saisir cette occasion pour encourager ou pour sanctionner le Président Macron et sa majorité.