Selon l’eurodéputé, le gouvernement doit commencer par adopter les mesures les plus impopulaires; Alain Lamassoure(LR-PPE): «La baisse des dépenses est la mère des réformes»

Les faits – Inquiet de la sous-estimation «manifeste» de la gravité de la situation des finances publiques françaises et des efforts requis, le député européen (Les Républicains-PPE) appelle le gouvernement à faire de vraies économies. Il juge indispensable de ramener durablement le déficit public au-dessous de 3% du PIB, à la fois pour asseoir la crédibilité du pays vis-à-vis de ses partenaires et pour réduire la charge qui pèse sur les entreprises et sur les générations futures.

Emmanuel Macron a finalement décidé d’appliquer dès 2018 la plupart de ses promesses fiscales. Est-ce selon vous une bonne nouvelle ?

Je suis perplexe. Bien entendu, le fait de tenir ses promesses est à mettre à son crédit. Mais il y a une chose qui me surprend et une autre qui m’inquiète. Ce qui me surprend, c’est que le président de la République ait finalement démenti dimanche soir les annonces importantes faites quelques jours plus tôt par le Premier ministre dans son discours de politique générale, à savoir le report de mesures fiscales. Ce qui m’inquiète, c’est la sous-estimation manifeste de la gravité de la situation des finances publiques et des efforts nécessaires pour redresser la situation. L’objectif premier du gouvernement est de réduire l’endettement ? Bravo ! Mais il y a deux manières de le faire : l’une est d’augmenter les impôts, l’autre est de réduire la dépense.

Et il vous semble impératif de choisir la seconde solution…

La France est aujourd’hui le pays d’Europe qui dépense le plus. Le résultat, c’est que, malgré des taux d’intérêt quasiment nuls, la baisse de l’euro d’environ 15 % et la division par deux du prix du pétrole, elle est pratiquement le seul grand pays de la zone euro qui ait aujourd’hui un déficit commercial. Les entreprises françaises ne peuvent pas être compétitives parce qu’elles paient sous forme d’impôts et de cotisations sociales quatre ou cinq points de PIB de plus que leurs concurrentes allemandes. Cela me paraît en outre assez léger de la part du gouvernement d’expliquer qu’il cherche cinq milliards d’économies, de le découvrir en cours d’année, et de se refuser à présenter une loi de finances rectificative pour que les mesures nécessaires, que ce soit sous forme de cadeaux fiscaux ou de restrictions budgétaires, soient prises tout de suite.

La vérité, c’est que si Emmanuel Macron veut réussir et être réélu dans cinq ans, il faut qu’il soit très impopulaire à la fin de l’année ; cela voudra dire qu’il aura fait des réformes, et des réformes qui font mal

Quelles sont selon vous les décisions à prendre en priorité ?

Nous avons besoin, au plus vite, de vraies économies budgétaires. La France est le seul pays dans lequel on ne calcule pas les « économies » par rapport à un niveau de dépenses, mais par rapport à l’évaluation de ce que serait l’augmentation spontanée de la dépense si on ne prenait pas des mesures d’économie ! La baisse des dépenses est la mère des réformes. C’est la plus impopulaire, c’est celle qu’il faut faire de la manière la plus urgente. Aucun gouvernement ne s’y est vraiment attaqué durablement. La France a quinze millions d’habitants de moins que l’Allemagne mais un million de fonctionnaires de plus qu’elle. Or on ne peut pas dire que l’Allemagne soit sous-administrée, qu’il n’y ait pas de médecins dans les hôpitaux, qu’il n’y ait pas d’instituteurs dans les écoles.

Le gouvernement promet de respecter ses engagements européens. Que se passera-t-il si le déficit public n’est pas sous les 3 % du PIB en 2017 et en 2018 ?

Ce sera d’abord un problème vis-à-vis de la génération qui suit, car continuer à s’endetter et à plomber nos entreprises est une chose que nous ne pouvons plus nous permettre : le gouvernement en est tout à fait d’accord, mais il doit en tirer les conséquences. Nous avons perdu vingt ans, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre cinq ans de plus. De plus, si le déficit reste au-dessus de 3 %, la France perdra auprès de ses partenaires la crédibilité qu’Emmanuel Macron a su lui faire regagner en quelques semaines par l’intelligence et l’efficacité dont il a fait preuve dans sa campagne électorale, ainsi que par son intelligence des problèmes mondiaux et européens. Une fois que vous êtes aux affaires, on vous juge sur vos actes. Et il ne faudrait pas que la présidence Macron tourne comme la présidence Obama, avec un Président qui serait respecté dans le monde entier mais qui ne parviendrait pas à faire faire à son pays les « réformes » nécessaires et laisse alors la place aux pires des populistes.

Mais remettre à plus tard ses promesses, c’est aussi courir un risque…

L’important n’est pas la popularité du Président Macron à l’automne 2017, c’est le résultat de l’économie française dans cinq ans. C’est cela qui doit guider son action. Les promesses qu’on ne peut pas honorer tout de suite, on les honore trois, quatre ans plus tard. La vérité, c’est que si Emmanuel Macron veut réussir et être réélu dans cinq ans, il faut qu’il soit très impopulaire à la fin de l’année ; cela voudra dire qu’il aura fait des réformes, et des réformes qui font mal. L’expérience a montré qu’il faut prendre tout de suite les mesures impopulaires, sinon, vous ne les prenez jamais. La lune de miel doit être mise à profit pour faire avaler les potions amères et non pour distribuer des sucreries.