Requiem pour un rêve

Hier soir, la dernière assemblée générale du Conseil des élus du Pays basque a entériné sa dissolution. Son président, Jean-René Etchegaray, relevait ” le paradoxe apparent ” d’une institution qui meurt pour donner naissance à l’Agglomération Pays basque. Un requiem, oui, mais pour un rêve. Celui de ceux, élus ou non, qui aspirent à la plus vaste capacité de décider et agir localement, à l’échelle du Pays basque. Aspiration qui franchit une étape avec l’agglomération unique. Même si son président, le même Etchegaray, rappelle la volonté, jusqu’ici refusée par l’Etat, d’une collectivité territoriale à statut particliuer.

L’avenir ne cesse de se construire, les élus réunis hier peuvent en témoigner. Ce pourrait être finalement le résumé ultime des 22 années sur lesquelles ils se sont retournées. Plus de deux décennies depuis la création, en 1995, du Conseil des élus. Son premier président, Jean-Jacques Lasserre, se souvient du contexte ” épouvantable ” de l’époque. Les années 1990, plombées par la lutte armée, où le débat politique local sombre souvent dans l’anathème.

Chacun s’accorde à saluer un nom, celui de Christian Sapède, alors sous-préfet de Bayonne. C’est lui qui, en 1992, réunit à Saint-Palais 120 personnalités du Pays basque pour réfléchir à l’avenir du territoire. Les constats font mal, qui révèlent un retard de développement, des scléroses importantes. Jean-Jacques Lasserre parle d’un ” déclic “. L’étincelle qui fait dire à Alain Lamassoure aujourd’hui qu’” on est passé en trente ans du problème basque au projet basque “. L’inspiration de Sapède va déboucher sur l’acte fondateur que fut la démarche Pays basque 2010. Dès lors, le Pays basque, emmené par la société civile structurée en Conseil de développement, et bientôt son Conseil des élus, avance par projets. ” Et la langue a été le premier axe “, rappelle Jean-Jacques Lasserre. Un terrain de consensus, susceptible de réunir État, Région et Département autour d’une aspiration ” basque “. Le mot n’est pas encore à la mode, mais c’est bien de cocontruction qu’il s’agit. Le premier schéma d’aménagement et de développement du Pays basque donne un cadre à partir de 1997. Dès lors, le territoire va inventer ses outils. Et souvent en précurseur. Jean-René Etchegaray mentionne pêle-mêle l’Office public de la langue basque, l’Établissement public du foncier local, Bil ta Garbi (traitement des déchets), le plan urgence logement… ” Le Pays basque devient un espace d’expérimentation. ” Les institutions sont d’ailleurs relayées par la société civile et le monde associatif, avec des créations comme Euskal herriko laborantza ganbara, la chambre d’agirulture alternative du Pays basque.

Laboratoire

Le laboratoire accélère les évolutions C’est sur son socle que la revendication territoriale grandit. Les espoirs déçus (département et collectivité à statut particulier) conduisent au compromis qu’est désormais l’Agglomération Pays basque. La construction se poursuit. Dans un esprit assez proche des convictions décrites par Alain Lamassoure. D’une part que le Pays basque doit ” être ouvert ” au monde. Et que ” l’identité ne se défend pas dans des musées “. Les racines servent à pousser des branches où mûrissent des fruits. ” Les racines prises pour elles seules sont une préoccupation de baobab, qui n’est qu’une racine qui se prend pour un arbre. ”