Donner sa chance au bon sens
« Sur ce point, les gouvernements successifs ont échoué depuis vingt ans… ». Combien de fois n’avons-nous pas entendu ce refrain, dans la bouche des commentateurs, et souvent aussi dans celle des hommes politiques – du moins, ceux du centre et de la droite, la gauche ayant moins d’inclination à l’autocritique.
Est-ce à dire que les politiques de Mauroy et de Chirac, de Bérégovoy et de Balladur, de Juppé et de Jospin aient été les mêmes ? Et que ces gouvernements se soient trouvés dans une situation politique identique ? Absolument pas !
Depuis la grande alternance de 1981, sur une période de vingt et un ans, la gauche a été au pouvoir pendant quinze ans – les trois quarts du temps. A chaque fois, elle a pu disposer d’une législature complète de cinq ans, lui permettant d’agir dans la durée en appliquant ses idées. A chaque fois, elle a été condamnée sans appel par le corps électoral : non, décidément, le socialisme « à la française » n’est pas bon pour la France.
De son côté, l’alliance RPR-UDF a exercé le pouvoir à trois reprises, mais à chaque fois seulement pour une période limitée à deux ans. Et deux fois sur trois dans une situation de cohabitation « dure » avec le Président MITTERRAND, qui empêcha notamment Jacques CHIRAC de réformer en utilisant la procédure accélérée des ordonnances. A chaque fois, malgré cela, des réformes profondes ont été engagées. A chaque fois, le temps a manqué pour que les bénéfices aient pu apparaître à l’opinion. Comparons avec quelques-uns des grands réformateurs étrangers de la période, Margaret THATCHER, Helmut KOHL ou Ronald REAGAN : s’ils avaient eu, eux aussi, à affronter le suffrage universel après deux ans de pouvoir, ils auraient été balayés. Car c’est un délai suffisant pour grimacer de l’amertume de la potion, mais trop court pour sentir les bienfaits de la guérison.
Le Parlement européen est un bon lieu d’observation pour comparer les débats politiques entre pays voisins. La gauche française s’y distingue de toutes les autres par son parti pris doctrinaire. Et elle en est fière ! Il n’y a qu’en France que l’idée de prendre quelque mesure que ce soit en faveur des entreprises est considérée comme « de droite », et qu’inversement toute contrainte nouvelle pesant sur les mêmes entreprises est perçue comme « de gauche » : voilà longtemps qu’avec Tony BLAIR et Gerhard SCHRÖDER, les socialistes anglais et allemands, comme leurs homologues italiens, hollandais, belges ou espagnols, estiment qu’en matière économique « il n’y a pas des mesures de droite ou de gauche, il y a celles qui réussissent et celles qui ne marchent pas. » De même qu’il n’y a qu’en France que l’insécurité urbaine – le problème lui-même, et non pas certaines solutions – est considérée comme une préoccupation « de droite », voire « d’extrême-droite », dont un gouvernement de gauche digne de ce nom n’a pas à se préoccuper !
Comme les Etats-Unis et comme nos partenaires européens, la France a besoin de connaître à son tour les réformes qui marchent. Ce n’est pas une affaire d’idéologie, mais de bon sens.
Encourager ceux qui prennent des risques, au lieu de punir ceux qui réussissent, au nom d’une perversion de l’égalité ; remettre le service public au service…du public ; aider ceux qui souffrent vraiment, au lieu de donner des prébendes à des clientèles électorales ; traiter des problèmes qui préoccupent vraiment les Français, à commencer par l’insécurité ; faire en sorte que ceux qui décident, localement, nationalement ou au niveau européen, soient clairement identifiés des citoyens et à portée de bulletin de vote. C’est ce qui a réussi ailleurs. C’est ce qu’attendent les Français. C’est ce dont la France a besoin. Confirmons le choix de la présidentielle en donnant à Jacques CHIRAC la majorité dont nous avons besoin pour offrir enfin à la France une vraie cure de bon sens.
Alain LAMASSOURE, le 5 juin 2002