C’est une première. Depuis trente ans, les électeurs avaient pris l’habitude de considérer que l’élection du Parlement de Strasbourg n’avait pas d’enjeu de pouvoir très clair : dans ces conditions, ceux qui allaient aux urnes préféraient en profiter pour exprimer leur mécontentement envers le gouvernement en place. En 2004 encore, l’impopularité de Jacques Chirac et du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait valu au PS de conquérir deux fois plus de voix et de sièges que l’UMP. C’est cette tradition qui a conduit, par facilité autant que par paresse, le parti socialiste et, de manière plus surprenante, François Bayrou à refaire campagne cette année au nom du « vote sanction ».
Le boomerang leur est revenu en pleine figure. Les socialistes ont perdu près de la moitié de leurs sièges européens, tandis que le Modem connaissait une véritable déroute.
Car, entre-temps, les citoyens ont compris la leçon de la formidable accélération de l’histoire, bien mieux que beaucoup de leaders politiques. La manière dont Nicolas Sarkozy, au nom de la présidence française de l’Union européenne, a su faire face aux crises majeures de notre temps – la guerre russo-géorgienne, la crise financière, la récession économique, les changements climatiques – a démontré que les grands enjeux du siècle se décidaient désormais au niveau de l’Europe. Les faits ont décidé d’eux-mêmes : le souverainisme est devenu sans objet. Plus personne ne peut prétendre sérieusement que le traitement de ces grands sujets passe par « moins d’Europe ». Le Danemark, la Suède, la Pologne, la Hongrie, les pays baltes, et même de plus en plus de Britanniques, regrettent amèrement d’avoir tardé à rejoindre l’euro avant la tempête financière. Le flamboyant Philippe de Villiers se retrouve seul élu des 532 candidats de la nouvelle famille eurosceptique « Libertas », qui n’ambitionnait pas moins de 100 élus dans toute l’Europe ! Son allié irlandais, Declan Ganley, le « héros » du « non » irlandais au traité de Lisbonne, n’a même pas franchi le seuil minimum pour assurer sa propre élection chez lui. Quant à Jean-Marie Le Pen, il pourra se consacrer à arbitrer la querelle de sa propre succession politique entre sa fille Marine et son ancien dauphin Bruno Gollnisch : tous trois sont les seuls rescapés du Front National au Parlement de Strasbourg…
Lire la suite…