Europe : un modèle de solidarité à inventer
Les pays de l’Union européenne doivent mettre en commun leurs talents, leurs sa- voir-faire, leurs expériences et partager un vrai budget pour créer une solidarité à la hauteur des enjeux contemporains.
« Unis dans la diversité ». La devise de l’Union européenne sonne comme une gageure.Après vingt siècles de guerre, l’union semblait irréaliste. Or, malgré sa lenteur, ses erreurs, ses lacunes, la construction européenne a réussi l’utopie : entre
nous, la guerre est bannie à jamais.
Le mariage de nos économies, de nos cultures et de nos sociétés est tel que nos destins sont désormais liés de façon indisso- luble. Le Brexit en apporte la démonstration par l’absurde. Mais l’union des destins n’a pas spontanément engendré le degré de solidari- té désormais nécessaire. Nous avons atteint la cohésion d’une assemblée de copropriétaires grincheux. Que manque-t-il pour passer au niveau de solidarité dont a besoin une famille de peuples libres ? Que chacun s’approprie ou se réapproprie le projet : l’union et la diver- sité – en l’adaptant aux temps nouveaux.
S’approprier l’union, aujourd’hui, c’est comprendre que les formidables dé s et opportunités de notre siècle dépassent les moyens mêmes des plus grands de nos Etats. La révolution numérique,l’émergence de l’Asie et de l’Afrique,les migrations de masse,le fana- tisme islamiste, l’aventurisme russe, la transition énergétique, la maîtrise des puissances mul- tinationales nancières, technologiques ou ma euses : face à ça, nous sommes tous des petits Luxembourg. Mais si on l’admet, il faut accepter de décider ensemble et d’appliquer ensemble les politiques correspondantes – et pas seulement celles qui nous arrangent.
La France a trop longtemps cherché à ruser avec ses propres engagements européens, particulièrement sur la bonne gestion éco- nomique, pour être crédible dans sa critique de l’égoïsme des autres. Et il faut aussi franchir une étape suivante, en mettant nos moyens correspondants en commun : nos talents, nos savoir-faire, nos expériences et nalement une part signi cative de notre argent public.Grâce
soit rendue ici au président Macron : pour la première fois un chef d’Etat européen a osé briser le tabou du budget communautaire en évoquant un changement radical d’ordre de grandeur du mini-budget de l’Union, scot- ché depuis vingt ans à 1% du PIB. On attend la suite.
S’approprier la diversité est un objectif plus surprenant, mais tout aussi nécessaire. C’est regarder, écouter et comprendre les autres avant de prendre les décisions communes.Les gouvernements de coalition ne fonctionnent pas du tout comme la monarchie républi- caine française. La rigueur toute luthérienne sur la transparence et la moralité de la vie poli- tique au nord du continent ne souffrent pas les accommodements avec la probité qui sont encore habituels dans l’Europe méridionale. Les pays qui ont été broyés par la guerre et par quarante ans de communisme ont encore besoin de temps pour acclimater les règles de vie en commun des vieilles démocraties. Une
vraie politique étrangère commune sera pos- sible le jour où la Pologne comprendra qu’au XXIe siècle l’avenir de l’Europe se joue d’abord en Afrique, et où la France et l’Italie oseront traiter comme tel l’impérialisme russe, aussi dangereux que désuet.
Comment y parvenir ? Là encore, le président Macron a proposé une approche novatrice : les conventions démocratiques. Organiser en France, et dans toute l’Europe, partout, à tous les niveaux, des débats au sein de la so- ciété civile. Qu’attendons-nous de l’Europe ? Qu’est-ce qui nous unit ? Jusqu’où sommes- nous prêts à être solidaires, entre nous et dans le monde ? Chacun de nos pays a besoin de cet examen de conscience. Engagés en 2018, ces débats devraient inspirer les programmes des familles politiques européennes pour les élections de 2019. Et permettre à chaque pays, à travers ces élections, de choisir son avenir dans la maison commune actuelle ou au sein d’une vraie famille européenne pleinement solidaire.